Qui est-il ?
C'est en 1968 que je commence à dessiner des portraits au fusain et au crayon pour, l'année suivante, m'embarquer dans une extraordinaire aventure me conduisant de découvertes en découvertes sur les riches chemins de la création...
Durant cinquante ans j'ai rencontré des univers différents, complémentaires et unis par cette passion qu'est la création artistique. Mes mains ont œuvré autant dans la couleur que dans la mise en forme sculpturale à travers différentes techniques. J'ai également eu la chance de travailler quelques années pour une troupe de théâtre et de découvrir un monde qui m'offrait le plaisir d'exprimer tout un savoir-faire acquis durant des années.
Cette rencontre m'a également permis d'oser écrire.
Et là est né une autre passion complémentaire des arts plastiques.
Créer m'est un passage obligé, pour assurer mon bien être de vie.
C'est comme une recherche permanente d'équilibre en quelque sorte. Un besoin quotidien.
Créer est source d'abondance et de communication tant avec moi-même qu'avec le monde extérieur. Un engagement. Une réflexion sur notre société et sur l'avenir de notre planète terre.
Créer est un élan de joie et de plénitude. Une façon de me centrer sur l'essentiel.
Lorsque j'entre en "état de création", je me lance sans bâtir de plan. Je ne peux pas créer, peinture, sculpture ou écriture, avec un plan bien précis sous les yeux. Cette technique fait, chez moi, l'effet contraire. Fabriquer un plan m'enferme dans un cadre restrictif qui m'oppresse, me donne l'impression d'emprisonner ma part créative, mon inspiration, mon intuition. Tout ce qui m'est nécessaire pour extraire de moi un résultat achevé et réellement nourri de mon être le plus intime.
Quand j'écris je pose, sans réfléchir, mes premiers mots sur la feuille blanche et je laisse venir la suite, sans me soucier des fautes ou des redites. Lorsque je sens s'épuiser l'énergie de création, je reviens sur ce que j'ai écrit, corrige ce qui a besoin d'être corrigé, change un mot, transforme une phrase ou la déplace pour créer un sens nouveau. Une autre vision.
Certains auteurs ont besoin de définir la psychologie de leurs personnages avant d'écrire. Pour ma part je laisse faire. Le ou les personnages vont créer eux-mêmes leur caractère au fur et à mesure de leur existence sur la feuille. Cela s'affine petit à petit. Il n'est pas rare de devoir revenir en arrière pour transformer un passage, en regard de ce que dit ou pense le héros cinquante pages plus loin.
Quand j'écris, j'affectionne tout particulièrement les synonymes. Notre langue française est belle, riche en expressions colorées et parsemées de senteurs et d'émotions si variées qu'il est possible de passer des heures à la fouiller, comme une bonne terre, pour en extraire l'essentiel souhaité.
Je ne suis qu'un modeste artisan en la matière. Je n'ai pas fait d'études. La rigidité du système scolaire me refroidissait. Son manque d'imagination me paralysait. Je savais au fond de moi qu'il était possible de nous apprendre, ce qu'on voulait nous faire ingurgiter, par des méthodes plus joyeuses et plus créatrices. Mais non ! Tout n'était que gavage d'oies dociles. Nous, les oies, devions nous taire, faire silence et bonne figure, recevoir des bons points ou des mises au coin sans rien dire.
Je n'ai pas de mémoire « livresque ». Il me faut expérimenter pour comprendre. Quand je lis un livre je capte mille choses sans pour autant être capable d'en tirer une parfaite explication de texte. Ces mille choses sont faites avant tout de sensations, d'émotions, de déductions et d'interrogations nouvelles, de prises de conscience, d'expressions et de mots nouveaux.
La lecture me nourrit. Quand je savoure un plat dans un restaurant, je ne cherche pas à savoir comment le chef l'a préparé. Ce qu'il a mis dedans pour en arriver à un tel plaisir. Son secret. Non ! Je déguste. J'écoute mes papilles libérer joie, plaisir et émotions nouvelles. Et je suis heureux de profiter de cet arc-en-ciel de saveurs. Ce n'est pas l'intellect qui fonctionne là mais bien le corps dans son entier, chair et esprit unis vers un seul but. Le plaisir.
La recherche du mot juste relève souvent de l’enquête policière. Il me faut alors plonger en "dictionnairie". J'adore ! C'est un petit bonheur excitant. Partir à la découverte du mot le plus en accord avec l'idée qui m'anime, l'émotion qui me bouleverse le cœur, la couleur qui attire mon œil ou la matière dont j'ai besoin pour fabriquer le décor où mes héros vont évoluer. J'ai autour de moi des dictionnaires en tout genre. Du plus classique au plus spécifique. Et quand je ne trouve pas solution à ma recherche, je me branche sur internet pour voir si, par hasard, il y aurait dans ces milliards de pages, un mot, une phrase, une expression, une explication qui m'offrirait ce que je désire.
La langue est vivante à souhait. Il y a des mots qui se révoltent, qui grincent comme une vieille porte aux gonds encrassés par les décennies. Il y en a d'autres qui hurlent de douleur ou, au contraire, vous caressent tendrement. Certains se font l'amour avec douceur, se mêlent et s'entremêlent voluptueusement sous vos yeux émerveillés.
Les mots sont comme les humains. Certains sont prévisibles quand d'autres s'avèrent imprédictibles. Vous les posez sur la feuille et ils vous entraînent dans d'étranges contrées méconnues de vous quelques secondes plus tôt. Sans crier gare ! Sans vergogne ! Sans état d'âme ! Apparemment hors contexte. Et pourtant. Si vous vous laissez porter par eux vous découvrez qu'ils ne sont pas venus là pour rien. Ces mots, sortis du chapeau d'un prestidigitateur, vous ouvrent de nouvelles voies. D'autres paysages. D'autres situations. D'autres sensations. Voir d'autres personnages qui, jusqu'alors, ne vous avaient pas effleuré l'esprit.
L'état de création c'est cela. Se laisser porter par les événements. Franchir de nouvelles frontières. Embarquer vers de nouveaux mondes. Se risquer sur des terres inconnues.
C'est ainsi que je crée.
Les mots, les couleurs et les formes bouleversent parfois profondément mon quotidien je l'avoue, car ils me plongent alors dans des océans inexplorés, des terres inviolées, des espaces mystérieux dont il me faut revenir intact. Renaître transformé.
Pour, plus tard, pouvoir m'aventurer de nouveau "en état de création."